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Ylvahn se pencha et posa la main sur le sol asséché de sa terre natale. Autour d'elle, les détails du paysage roux étaient flous, mais elle ne s'en souciait pas. Elle ne le remit pas en question. À côté d'elle, un terrible wulfkyër, à peu près de la taille d'un cheval de guerre, reniflait, ses oreilles pointues et poilues redressées et sa queue fouettant l'air avec anticipation.
Il hurla et un autre loup répondit de la même manière, résonnant loin derrière eux.
— Bon travail, Kibb, dit Ylvahn en caressant le flanc du loup. Nous reverrons Larënnel bientôt. Ce seront d'excellentes vacances.
La fourrure sombre de Kibb était si longue et épaisse que sa petite main semblait engloutie.
Désormais, les autres chamans de son cercle savaient qu'ils étaient sur le point de quitter leur territoire.
Ylvahn vira vers le nord. La grande ville d’Atgoren, où résident les Gardiens d’Aerinda, se dressait normalement à l’horizon, mais elle ne parvenait pas à la distinguer. Cela aurait dû lui faire comprendre, mais ce n’est pas le cas. Le monde s’assombrit soudainement. Une brume étrange serpentait autour des arbres grisâtres sans feuilles et masquait la neige fondante. Kibb gémit, mais garda sa position ferme.
Un léger battement dans le sol alerta Ylvahn que quelque chose n'allait pas. Elle ferma les yeux en ignorant tout le reste et se concentra. Elle enfonça ses doigts dans la terre.
Les battements de cœur continuaient. Plus elle les sentait, plus ils devenaient irréguliers. Alors qu'un sentiment de froid saisissant enveloppait ses tripes, elle sut que quelque chose n'allait profondément pas avec Aerinda.
Paniquée, elle se saisit la poitrine. Son souffle était court et accidenté. Elle essaya de crier, mais sa voix était étouffée.
Elle se réveilla en sursaut.
Le ciel sans nuages baignait le monde d’une douce teinte rose. Le premier soleil se pointait à peine derrière les collines. Kibb ronflait doucement, blotti contre Ylvahn. Il ressemblait à une grosse boule de fourrure hirsute.
La vision d’Ylvahn était claire, normale. C'était la réalité.
Son anxiété avait aiguisé ses sens. Elle aurait dû s'en être doutée. Elle aurait dû vérifier si elle rêvait. Elle avait été formée pour marcher dans les rêves, mais… le sien s’était emparé d'elle. Comment était-ce possible?
Quand elle enfonçait ses doigts tremblants dans la terre, elle ne sentit rien.